Charles Mongne : il avait vingt ans en 1914

Charles Mongne

Au départ de cette recherche généalogique, il y a deux photographies provenant de mon arrière-grand-mère. L'une porte le message : "Amical bonjour de votre cousin Charles Mongne" et m'a permis de confirmer l'identité du jeune homme portraituré, né en 1894.

Charles Antoine Mongne vient de fêter ses vingt ans depuis quelques semaines quand est annoncée la mobilisation générale, le 1er août 1914. Il habite encore chez ses parents, fermiers à Conteville, en Seine-Maritime, et travaille comme journalier agricole.


Une photographie de jeune homme

Charles Mongne
Charles Mongne, 1914 ?

Sur cette photographie, Charles Monge a revêtu son costume du dimanche, avec une veste et une chemise blanche. Il se tient devant l'habituel décor du photographe, un drap imprimé avec un décor d'architecture et de draperie, qui a été tendu dehors, car le modèle pose avec chaussures sales sur un sol de pavés et de terre.

Peut-être a-t-il été photographié suite à un défilé au sein d'une fanfare ? Il porte en effet un instrument de musique rangé dans un étui en cuir avec un décor de fleurs estampées, qui pourrait être un cornet à piston. Je n'ai pas pu trouvé de photographie de fanfare des bourgs proches (Gaillefontaine, Neufchâtel-en-Bray ou Formerie) de l'époque.
Peut-être a-t-il immortalisé suite à l'annonce de la mobilisation, avec une rosette de conscrit à sa veste ?


Mobilisation

Charles Mongne rejoint l'armée dès le 8 août, alors que les conscrits de la classe 1914 n'ont été appelés qu'à partir du 1er septembre. 

Charles MongneExtrait du registre matricule de Charles Antoine Mongne.
Archives départementales de Seine-Maritime.


D'un front à l'autre

Il devient soldat de seconde classe au 150e Régiment d'Infanterie (RI). Ce régiment est d'abord envoyé sur la frontière lorraine, puis se replie en Meuse pour contrer l'avancée de l'armée allemande. Il est ensuite engagé dans la bataille d'Argonne au début de l'année 1915.

Charles Mongne
Photographie de Charles Mongne, dans l'uniforme des soldats français de 1914 (entre août 1914 et février 1915).
Le numéro de son régiment (15
0e RI) est indiqué sur son col.

En février 1915, il devient soldat de 1ère classe au 155e Régiment d'Infanterie, qui est positionné sur le front de l'Argonne.

En juillet 1915, il intègre le 106e Régiment d'Infanterie, et rejoint le front de la Meuse. 


Blessure sur le front de Champagne

Le 106e RI prend part à la deuxième bataille de Champagne en septembre 1915. L'assaut des troupes françaises sur le front est lancé le 25 septembre. Le régiment franchit un ruisseau près de Souain. 


Carte publiée dans Le Journal du 4 octobre 1915 (disponible sur Retronews).

Au bout de quatre jours de combats, le terrain conquis se limite aux premières lignes allemandes. Le bilan est lourd pour le 106e RI: il y a 309 tués et disparus, et 528 blessés.

Attaque à Souain
Dans une tranchée du secteur de Souain, avant l'attaque, photographie de 1916.
Photo (C) Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Pascal Segrette.

Charles Mongne est blessé lors des combats : il reçoit un coup de feu au nez et à la lèvre supérieure.

Georges Bertin Scott, Poste de secours à l'entrée de Souain
Georges Bertin Scott, Poste de secours à l'entrée de Souain, septembre 1915.
Photo (C) Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / image musée de l'Armée.

Le régiment stationne ensuite dans la Marne, et passe l'hiver 1915 dans les tranchées champenoises : 

"Et ce fut un nouvel hiver à passer dans la tranchée, avec ses souffrances et ses fatigues, longues nuits de veille, l'œil et l'oreille aux aguets, journées se succédant monotones, travaux et corvées souvent pénibles." Extrait de l'Historique du 106e RI.

 

Mort pendant la bataille des Monts de Champagne

En mars 1916, Charles Mongne est incorporé dans le 366e Régiment d'Infanterie. Le régiment participe à la Bataille de Verdun jusqu'en juin 1916, puis prend part à la Bataille de la Somme. Il est promu caporal le 28 mars 1917.

Le 23 mai 1917, le régiment est transporté jusqu'au Mont Cornillet, pour prendre part à la bataille des monts de Champagne. C'est un mont de 208 mètres d'altitude situé à l'est de Reims, sur la commune de Prosnes. Le 1er Zouave vient d'en prendre le contrôle suite à un pilonnage intensif des positions allemandes. Lors de ce bombardement, quatre cents soldats Allemands ont péri, pris au piège dans un ouvrage souterrain. 

Mont Cornillet
Carte extraite de l'Humanité du 1er mai 1917 (disponible sur Retronews).

Le 366e RI arrive pour prendre la relève dans la nuit du 24 au 25 septembre. Il fait face à un feu nourri de l'ennemi, alors que le travail de sécurisation des tranchées n'a pas pu encore être réalisé.

"Les débuts sont particulièrement pénibles : dans les trois premiers jours seulement, nos pertes n'atteignent pas moins de 31 tués et de 167 blessés." Extrait de l'Historique du 366e RI.

Mont Cornillet
 Archives départementales de la Vendée (1 Num 1/209-48).

Charles Mongne tombe sur le champ d'honneur pendant ces combats ; il est déclaré mort pour la France le 26 mai 1917.

Son décès est daté du 28 mai dans le Journal des marches et opérations du 366e RI.

Extrait du JMO du 366e Régiment d'Infanterie 14 mai 1917-6 mai 1918, p. 18 (Mémoire des Hommes, 26 N 763/6).


Enterré auprès des siens

Grâce au site Mémorial Gen Web, j'ai pu retrouver sa tombe. Il a retrouvé la terre de Conteville et été inhumé dans le carré de corps restitués du cimetière communal, parmi dix-neuf jeunes hommes du village morts pour la France.

Carré de corps restitués de Conteville
Carré de corps restitués du cimetière de Conteville.

Carré de corps restitués de Conteville
Carré de corps restitués du cimetière de Conteville

Avec la mort de Charles, Charles et Antoinette Mongne perdent leur premier fils, qui était un soutien pour la famille en travaillant comme ouvrier agricole (mentionné comme journalier agricole au service de divers employeurs dans le recensement de 1911). La famille reçoit un secours de l'Etat en mars 1918 comme indiqué sur le registre matricule.

Charles Mongne et sa famille dans le recensement de 1911.
Archives départementales de Seine-Maritime.

Sa mère décède un an après sa mort, en juin 1918. Son père se remarie ensuite avec une veuve de guerre.


>> Sur la même famille, retrouvez mon article sur la photographie de sa soeur qui se marie en 1919.


Sources :

  • Répertoire des historiques régimentaires des unités engagées dans la Première Guerre mondiale, site Mémoire des Hommes.
  • Historique du 150e Régiment d'Infanterie, bibliothèque numérique Argonnaute.
  • Historique du 106e Régiment d'Infanterie, bibliothèque numérique Argonnaute.
  • Historique du 366e Régiment d'Infanterie, bibliothèque numérique Argonnaute.
  • Répertoire des Journaux des marches et opérations des corps de troupe (JMO), site Mémoire des Hommes.
  • Les uniformes de l'armée française pendant la Première Guerre Mondiale, Musée de l'Armée.
  • Echanges sur la photographie de Charles Mongne sur le forum de Geneanet.
  • Mémorial Gen Web.
  • Intéressant article sur la restitution des corps des soldats morts pour la France et l'entretien des tombes : Béatrix Pau, "La restitution des corps", Le Souvenir Français.

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