Ursule : un prénom lié à la noblesse locale
Direction le village de Roncherolles-en-Bray, près de Forges-les-Eaux, sous le règne de Louis XV.
Angélique
Reine Ursule Seré y naît le 21 octobre 1747. Elle est la dernière
enfant d'Adrien Seré, potier, et de Catherine Dorchy.
Alors que ses
frères et sœurs ne reçoivent d'un seul prénom assez classique - Adrien,
Pierre, Catherine - leur sœur est baptisée avec une série de trois
prénoms, dont le très royal "Reine". Elle est en fait portée sur les
fonds baptismaux par deux membres de la famille des seigneurs du lieu.
Eglise Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Roncherolles-en-Bray, lieu du baptême
Archives départementales de Seine-Maritime 020Fi_RONCHEROLLES-EN-BRAY_001Sous le parrainage et marrainage de la noblesse locale
Son
parrain est Jacques Charles Rémy Desmarest, apparenté à la famille des
seigneurs de Roncherolles ; il occupe les fonctions de diacre à Eu.
Sa
marraine est la jeune Françoise Angélique Reine de Boullainvillers.
Âgée de sept ans, elle ne sait pas encore écrire. Elle est la fille de
l'écuyer Jean Philippe Gabriel de Boulainvilliers, seigneur de Beaubec
-village voisin de Roncherolles - et de Françoise Charlotte Marguerite
Desmarets de Roncherolles. La petite, qui a perdu sa mère quelques mois
après sa naissance, est déjà la marraine d'Angélique Reine Floquet née
en 1745 à Roncherolles. Elle transmet à sa filleule ce prénom de
"Reine", ainsi que le prénom d'"Angélique" qu'elle a elle-même reçu de
sa marraine.
Baptême de Françoise Angélique Reine de Boullainvillers le 2 juin 1740 à Roncherolles-en-Bray.
Archives départementales de Seine-Maritime.
Archives départementales de Seine-Maritime.
La
famille de Boulainvilliers tire son nom d'un fief de la Somme, d'où
elle est originaire ; elle descendrait même de Geysa, roi de Hongrie.
Elle s'implante dans le Pays de Bray, à Saint-Saire, en 1480, et étend
ses possessions dans les villages alentours de Roncherolles,
Beaubec-la-Ville, Massy... La terre de Saint-Saire fut érigée en comté
en 1658 et la famille y avait un château. Elle disposait d'une chapelle seigneuriale et une crypte transformée en nécropole familiale dans l'église
paroissiale.
Son représentant le plus célèbre est Henri (1658-1723), historien
défendeur de la féodalité et opposé au pouvoir absolu du roi. Son cœur a été rapporté à Saint-Saire.
Ecu aux armes de François de Boulainvillers datant de 1682, sur le chevet de l'église de Saint-Saire. L'aigle évoque l'ancêtre hongrois des Boulainvillers.
Crypte de l'église de Saint-Saire, où sont enterrés plusieurs membres de la famille des Boulainvillers
Vitrail représentant les armoiries des Boulainvilliers dans la crypte
Plaques funéraires de François de Boulainviller (grand-oncle de Jean Philippe Gabriel de Boulainvillers) et de Samuel de Boulainviller (arrière-arrière-grand-père de Jean Philippe Gabriel de Boulainvillers)
C'est aussi par ce marrainage qu'un usage noble est transmis à une fille du peuple : la mode des prénoms multiples. Selon Baptiste Coulmont, après la fixation du tandem nom de baptême / nom de famille, la tradition a pendant longtemps été de ne porter qu'un seul nom de baptême. La mode de prénoms supplémentaires est apparue au XVIIe siècle chez les familles nobles, et s'est peu à peu diffusée dans la population. Cela a permis d'augmenter la diversité des prénoms (souvent limités au prénom hérité des parents, du parrain ou de la marraine) et de réduire la confusion entre individus homonymes.
Sainte Ursule
Quant
au prénom Ursule, il est sans doute lié à la dévotion locale ; une
chapelle lui a été dédiée à l'abbaye cistercienne Saint-Laurent de Beaubec, village voisin où les Boulainvilliers possèdent des terres.
Chapelle Sainte-Ursule, un des rares bâtiments conservés de l'abbaye de Beaubec.
Ministère de la Culture (France), Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, diffusion RMN-GP.
Ministère de la Culture (France), Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, diffusion RMN-GP.
Selon la légende de sainte Ursule, la princesse Ursule fut capturée et massacrée avec ses compagnes, les onze mille vierges, par les Huns qui assiégeaient Cologne. Elle est fêtée le 21 octobre.
Voici sa représentation dans Les images de tous les saints et saintes de l'année, une série de gravures réalisées par le lorrain Jacques Callot au XVIIe siècle :
Jacques Callot, Sainte Ursule et ses compagnes, gravure de la série du Calendrier des Saints.
Harvard Art Museums/Fogg Museum, Gift of William Gray from the collection of Francis Calley Gray, by exchange.
Harvard Art Museums/Fogg Museum, Gift of William Gray from the collection of Francis Calley Gray, by exchange.
Une vie de paysanne au Pays de Bray
Angélique
Reine Ursule perdit ses parents lorsqu'elle avait vingt ans. Elle fut placée
sous la responsabilité de son frère aîné Adrien. A l'âge de vingt-neuf
ans, elle épousa Charles François Hauchedin, domestique dans une ferme
du village de Roncherolles-en-Bray. Ils s'installèrent comme herbagers à Sainte-Geneviève-en-Bray et eurent deux filles : Marie Anne Angélique et Marie Adélaïde.
Angélique Reine Ursule survécut aux épisodes révolutionnaires (malgré son prénom de "Reine"...) et décéda en 1825, à l'âge de quatre-vingts ans, auprès de son époux et de la famille de sa seconde fille.
Signature d'Angélique Reine Ursule Seré sur l'acte de mariage de sa fille Marie Adélaïde en 1812.
Archives départementales de Seine-Maritime.
Sources :
- Michel Coffin, Promenade Géographique Historique Touristique en Pays De Bray, pour l'histoire de la famille de Boulainvilliers à Saint-Saire.
- Arbre de Hervé Lainé sur Geneanet pour la famille de Boulainvilliers.
- Etude sociologique sur les prénoms secondaires et les prénoms d'usage : Baptiste Coulmont, "Des prénoms invisibles", La lettre de l'enfance et de l'adolescence, 2012/1 (n°87), p. 23-28 (disponible sur Cairn).
Retrouvez la généalogie d'Angélique Reine Ursule Seré sur Geneanet et mon article du Challenge AZ sur le thème des prénoms féminins.
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