Les prénoms féminins

Challenge AZ

Pour ma première participation au Challenge AZ, j'ai choisi le thème des prénoms féminins. A chaque lettre, j'ai associé un prénom, généralement celui d'une femme de ma généalogie, afin d'évoquer à la fois des éléments bibliographiques, et l'histoire des prénoms. 

Rendez-vous le 1er novembre pour le début du challenge !

L'histoire du choix des prénoms

Afin d'introduire ce thème, voici une petite chronologie de l'histoire des prénoms.

  • Après le système romain des tria nomina importé dans la Gaule gallo-romaine, l'avènement de la religion chrétienne impose un nouveau modèle : le chrétien reçoit un nom unique lors de son baptême.
  • Au fil des siècles, la diversité des noms de baptême se tarit. Les surnoms apparaissent, liés à des caractéristiques physiques, au lieu d'origine, au nom de la mère ou du père, etc. A la fin du Moyen Age, ces surnoms commencent à devenir héréditaires. Le système "nom patronymique / prénom ou nom de baptême" est confirmé par l'ordonnance de Blois en 1579. 
  • Le concile de Trente impose en 1563 le choix d'un nom de saint comme nom de baptême :

Concile de Trente
Catéchisme et sommaire de la religion chrestienne, fait par l'ordonnance et décret du S. concile de Trente, qui commande à tous curez de l'enseigner au peuple, 1578. Bibliothèque de Bordeaux.

Le même texte, extrait d'une version de 1905 plus lisible :

"Enfin, on donne un nom au baptisé, mais ce nom, on doit toujours l'emprunter à un personnage que sa piété et ses vertus éminentes ont fait placer au nombre des Saints. La ressemblance du nom le portera à imiter sa justice et sa sainteté ; et non seulement il l'imitera, mais encore il voudra l'invoquer comme un protecteur et un Avocat auprès de Dieu, qui l'aidera à sauver tout ensemble, et son âme et son corps. On doit donc blâmer fortement ceux qui affectent de donner aux enfants des noms de personnages païens, et particulièrement de ceux qui ont été les plus impies. Ils font bien voir par là le peu d'estime et de respect qu'ils ont pour la Piété chrétienne, puisqu'ils prennent plaisir à rappeler la mémoire des hommes mauvais et qu'ils veulent que les Fidèles aient continuellement les oreilles frappées de ces noms profanes." Catéchisme du saint concile de Trente, 1905. Bibliothèque Nationale de France (disponible sur Gallica).

  • Pendant la période révolutionnaire, le décret du 20 septembre 1792 laïcise l'établissement des actes d'état civil et donne la liberté dans le choix des prénoms, qui ne sont plus contrôlés par l'Eglise.
  • Sous le Consulat, la loi du 11 germinal an XI (1er avril 1803) restreint le choix des prénoms aux "noms en usage dans les différents calendriers et ceux des personnages connus de l'histoire ancienne" ; cette disposition est reprise dans le Code Civil. L'histoire ancienne a d'abord été définie comme l'histoire gréco-romaine, très appréciée de Napoléon, puis s'y sont ajoutés les prénoms évoqués dans la Bible et la mythologie.
  • La loi du 8 janvier 1993 donne aux parents le libre choix des prénoms.


Les prénoms féminins dans ma généalogie

 J'ai fait un relevé rapide des prénoms féminins de mes ancêtres directes et de leurs filles.

  • XVIIe siècle : 
Il y a peu de diversité dans les noms de baptême. Ils évoquent Marie et les grandes saintes catholiques :

Prénoms féminins
Les prénoms de mes ancêtres directes et de leurs filles nées au XVIIe siècle

Sous l'Ancien Régime, beaucoup de noms de baptême se transmettent : l'enfant prend le nom de son père, de sa mère, de son parrain ou de sa marraine. Comme ces derniers sont prioritairement choisis dans la famille proche - généralement un membre de la famille paternelle associé à un membre de la famille maternelle, les prénoms sont peu variés. Il y a seulement 26 prénoms différents sur 189 femmes de ma généalogie, et plus d'un quart portent le prénom de Marie. 

  • XVIIIe siècle :
Une nouvelle tendance se développe, celle de donner deux ou trois noms de baptême, sous l'influence d'une mode apparue chez les familles nobles :

Prénoms féminins
Les prénoms de mes ancêtres directes et de leurs filles nées entre 1700 et 1790.

Dans ma généalogie, 62 % des femmes portent au moins deux prénoms, contre 5 % au siècle précédent, et Marie continue à être présente dans 64 % des prénoms. "Marie Anne", c'est-à-dire la vierge Marie associée à sa mère Anne, arrive en tête. C'est le prénom le plus donné à l'époque dans les campagnes et pour les domestiques. Il pourrait être à l'origine du choix de Marianne comme incarnation de la République française.

Marie et Anne
La Confrérie de Sainte Anne des maîtres menuisiers de la ville et banlieu de Paris, 1743. Bibliothèque Nationale de France (disponible sur Gallica).

Révolution et XIXe siècle :

Le choix de plusieurs prénoms se généralise (90 % des femmes de ma généalogie). A côté des prénoms hérités de la famille apparaissent de nouveaux prénoms à la mode, de saintes méconnues, de saints féminisés et aussi d'héroïnes littéraires.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les manuels de prénoms apparaissent, et les livres de bonnes manières et de savoir-vivre évoquent le choix du prénom à la rubrique naissance et baptême : 

"Ordinairement le nom du parrain et des père et mère font les frais de ce choix. On doit veiller à ne pas donner à l'enfant des noms ridicules ou baroques. Cela n'a l'air de rien, et souvent l'influence d'un nom se fait sentir sur une carrière et dans toute l'existence. D'ailleurs n'aurait-on évité à l'enfant que des railleries d'école et de récréation, que le choix d'un nom serait une chose à observer".

Paul Burani, Guide-manuel de la civilité française, ou Nouveau code de la politesse et du savoir-vivre : indiquant la manière de se conduire comme il faut chez soi, dans le monde et dans toutes les circonstances de la vie, 1879 (disponible sur Gallica).

Estampe Baptême
Le baptême, estampe, Mucem.

 La responsabilité du choix du prénom relève de moins en moins des parrains et marraines.

"C'est une délicatesse de la part des parrain et marraine de ne pas imposer de prénoms à leur filleul et de laisser à ce sujet toute liberté au père et à la mère. Du reste, c'est une fort mauvaise coutume de donner une kyrielle de noms aux enfants : un seul suffit ou deux au plus. Que, par une raison quelconque, ces noms soient intervertis dans des actes publics, il peut en résulter des chicanes et des procès."

Clarisse Juranville, Le savoir-faire et le savoir-vivre dans les diverses circonstances de la vie : guide pratique de la vie usuelle à l'usage des jeunes filles, 1879 (disponible sur Gallica).


Sommaire

Voici la liste alphabétique des articles (les liens seront actifs au cours des publications) :


Challenge AZ
Almanach de 1681. Bibliothèque Nationale de France (disponible sur Gallica).

Sources :

  • Exemple d'une étude sur les prénoms donnés autour de Longueville-sur-Scie : Pierre Le Verdier, Les prénoms dans le canton de Longueville (Seine-Inférieure) aux XVIe et XVIIe, 1896. (disponible sur Gallica).
  • Un blog consacré aux prénoms rares que l'on peut découvrir en faisant sa généalogie : Prénoms rares : Histoire et Généalogie.
  • Histoire des prénoms retracée dans la proposition de loi relative au libre choix des prénoms de l'enfant par ses parents (Sénat).
  • Marie-Anne Paveau, "Nom d’un prénom ! 2. Petit guide du savoir-prénommer", site La Pensée du discours, 16/11/2011.
  • Hanna Gas, "Bibliographie des manuels de savoir-vivre", blog Apprendre les bonnes manières.

Commentaires

  1. Oh ! j'ai presque le même thème pour mon challenge. Et nous avons au moins un prénom en commun... Ce sera amusant de comparer ! A très vite !

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    1. Bonjour, j'ai hâte de découvrir les prénoms que vous avez sélectionnés. Bon challenge !

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